« On est où quand on est mort ? », « Pourquoi on meurt ? », « Qui va remplacer mamie ? » « Et toi, tu resteras toute la vie avec moi ? »…Parce que c’est un sujet que l’on ne maîtrise pas et qu’il nous donne le sentiment d’être démuni, nous avons demandé à Hélène Romano, Docteur en psychopathologie et grande spécialiste du sujet, de partager ses conseils pour ne pas sécher quand nos enfants sont en questionnement.
Se mettre à son niveau
« Dans un contexte de violence et d’attentats où la mort est omniprésente à la télé et à la radio, on remarque que les enfants s’interrogent de plus en plus jeunes, dès la maternelle. Vers 6-7 ans, l’enfant se questionne sur le corps : comment on respire, la place du coeur, etc. Puis vient le collège avec l’Egypte, les momies… Parler de la mort avec ses enfants, c’est avant tout se mettre à leur niveau. Pour connaître sa perception précise du sujet, qui n’est pas celle d’un adulte. Jusqu’ à l’âge de 8 ans, l’enfant n'a pas intégré la notion d'une mort irréversible et irrémédiable. Il peut aussi penser qu’elle est contagieuse. On commence par lui dire : Ta question est importante (ce qui signifie : tu es important), puis on lui demande : Que sais-tu de la mort ? Qu’est-ce que tu en as compris ?. C’est important de partir de la représentation de l’enfant pour ajuster son discours et ne pas tomber à côté.
En parler simplement sans en faire un tabou
« La mort fait partie de la vie. Ce n’est pas un sujet glauque. Le mot « mort » n’est pas un gros mot et l’enfant ne doit pas le ressentir comme tel. Ne pas parler des morts, c’est pire que tout. On voit des famille qui sont volontairement dans le dénis de leurs morts et cela a des conséquences négatives sur l’enfant. Il faut rester simple dans son discours et ne pas édulcorer le sujet comme on le ferait instinctivement. Ne pas trop entrer dans les détails mais être concret car l’enfant est un grand théoricien qui a besoin de mettre un sens sur les choses. Ne pas lui répondre c’est aussi créer chez lui des théories ou des images bien pires que la réalité. Vouloir le protéger peut en fait entraîner l’effet inverse. En revanche, si on parle de la mort à son enfant en étant terrorisé, on va terroriser l’enfant. On adopte alors une approche simple et sereine des choses, sans tourner autour du pot : Quand on meurt on ne bouge plus, on ne souffre plus. On ne peut pas jouer avec quelqu’un qui est mort comme on jouerait avec un copain au parc. Mais on peut quand même rester en lien avec lui."
Utiliser des métaphores.
On peut utiliser des images qui lui parlent et qui évoquent le cycle de la vie comme les bourgeons : Il y a les bourgeons, la fleur qui s’ouvre et s’épanouit, puis elle fane et se régénère. Dans la vie, c’est pareil : il y a des bébés, des grands, des personnes âgées et quand on a fini de vivre, on laisse la place à d’autres. C’est le cycle de la vie. Les enfants fonctionnent essentiellement avec le premier degré. Quand on utilise des mots et des métaphores, il faut rester prudent. Les mots doivent être protecteurs. Selon vos religions et vos croyances, vous pouvez utiliser l’image du ciel, des étoiles, …C’est à vous de voir avec quoi vous êtes le plus à l’aise. Dire que même si le corps de papi, mamie, …n’est plus là, il est toujours présent dans le coeur peut-être aussi apaisant. La littérature jeunesse est par ailleurs riche sur ce sujet.
Accompagner l’enfant en deuil
Souvent, le premier deuil est celui de l’animal domestique. Il est violent car le chien ou le chat a été le compagnon fidèle de l’enfant, son confident. Il faut prendre très au sérieux sa peine et l’accompagner dans son deuil. C’est bien évidemment aussi le cas quand l’enfant perd un proche. Aider l’enfant à entrer en résilience c’est lui permettre de savoir qu’il n’est pas seul et que l’on n’oublie pas celui qui est parti.
Ne pas réfréner vos émotions pour libérer les siennes
Vous êtes vous aussi en deuil et vos émotions sont palpables. Pleurer sans lui dire pourquoi vous pleurez peut créer, chez lui, un sentiment d'insécurité. En revanche, lui dire : Je pleure parce que ça fait mal mais ce n’est pas de ta faute, permet à l’enfant de comprendre qu’il n’y ait pour rien dans votre peine et l’aide à libérer à son tour ses émotions.
Mettre à sa disposition des supports pour sa mise en mémoire
Les enfants ont besoin de supports pour mettre en mémoire. Cela peut être un album de photos rien que pour lui avec le grand-père disparu, le petit frère, … Ce n’est pas morbide, au contraire c’est apaisant. Certains enfants ont besoin de mettre un jouet, une dessin, une photo, quelque chose qui leur appartient dans le cercueil, sur la tombe, dans un coin de la maison. C’est important de le faire participer. Cela peut-être aussi bien de transmettre à l’enfant un objet qui appartenait à son grand-père par exemple, de lui offrir une présence symbolique. Aller au cimetière n’est pas non plus une démarche morbide. On peut y déposer de jolies fleurs, un dessin, un caillou gravé, un baiser. Continuez de parler de la personne décédée de manière positive et légère car ce qui angoisse l’enfant, c’est l’oubli.
Hélène Romano est l’auteure de nombreux livres sur le deuil de l’enfant et ses traumatismes.Elle a notamment écrit : Quand la vie fait mal aux enfants aux éditions Odile Jacob et L’arbre est l’ombre de la lune aux éditions Courtes et longues.
Source : @camillamio