Quand votre maman revêt le costume de mamie, c’est un peu le jeu des chaises musicales. Trop proche, pas assez, trop intrusive, pas toujours dispo, à sa place ou à celle que vous n’imaginiez pas…Parce que ce nouveau rôle n’est pas toujours évident à appréhender, on a demandé à 6 mamans de nous raconter le jour où les rôles ont changé…
Fausses-promesses
« Ma mère était toute excitée à l’idée de devenir grand-mère pour la première fois. Elle fantasmait ce nouveau rôle et m’avait même demandé de garder le bébé une fois par semaine dès mon congé maternité terminé. J’ai donc demandé une place en crèches seulement 4 jours par semaine. À l’arrivée de ma fille, les choses ont un peu changé. Ma mère est devenue plus distante, moins disponible (« j’ai une vie tu sais ma chérie ! »). Quand ma fille a débuté la crèche, ma mère s’est mise à caler des rendez-vous avec ses copines le mercredi, jour que j’avais « libéré » pour elle. Et ce jour sans crèche est devenu un casse-tête à gérer pour moi. Ce qu’elle m’avait demandé durant ma grossesse, n’était plus d’actualité une fois le bébé arrivé. »
Le regard de Béatrice Copper-Royer, psychologue et auteur de Grands-Parents, le maillon fort : Cette grand-mère était dans l’euphorie et le fantasme plutôt que la réalité et les contraintes que l’arrivée d’un bébé imposent inévitablement. Il faut rappeler aux grands-parents qu’ils ne sont pas obligés de s’engager dans des rôles fixes. Cette maman, de son côté, découvre sa mère dans un rôle plus désinvolte et moins concerné qu’elle ne l’imaginait. C’est un éclairage qu’elle n’avait peut-être pas avant. Les membres de la famille n’ont plus les mêmes places, l’enfant vient bouger les générations.
Plus complices que jamais
« Ma relation avec mère n’a jamais été fusionnelle. Nous nous sommes toujours bien entendues mais notre pudeur respective imposait une distance. J’étais plus complice avec mon père. Et puis mon papa nous a quittés et au lieu de nous rapprocher, cette perte difficile a creusé un fossé. Encore cette histoire de pudeur. 3 ans plus tard, je suis tombée enceinte. De voir mon corps changer a complètement …changé ma maman ! Elle est devenue plus proche, plus câline, se prêtait davantage à la confidence. La naissance de ma fille Liv a décuplé ce rapprochement. Nous partagions désormais quelque chose d’unique : être maman. »
Le regard de Béatrice Copper-Royer : C’est une situation que l’on retrouve souvent. C’est l’idée de transmission qui passe autour de la naissance d’un enfant. Cette jeune maman comprend que sa propre mère est passée par le même chemin et qu’elle peut se nourrir de son expérience. Il y a quelque chose de beau et de rassurant.
De l’enfant au parent
« J’ai eu mon fils à 25 ans. Et je crois que je n’avais pas encore coupé le cordon avec mes parents. Quand Gabriel est arrivé dans nos vies, cela m’a bousculé en tant que jeune maman mais aussi en tant qu’enfant de mes parents. Mon père s’est empressé de débarrasser ma chambre d’adolescentes pour y préparer un cocon douillet pour mon fils, ma mère débarquait à la maison et s’empressait de prendre dans ses bras son petit-fils sans me dire bonjour, nos coups de fil se résumaient au bilan de santé de mon fils et ma mère bloquait des weekends en tête à tête …avec Gabriel. Je n’étais pas jalouse mais je passais subitement dans une autre case, presque au second plan. Je l’ai mal vécu. »
Le regard de Béatrice Copper-Royer, psychologue et auteur de Grands-Parents, le maillon fort : : Ici les grands-parents déplacent leur puissance parentale sur le petit. Et pour le coup, c’est une très mauvaise place car elle implique beaucoup d’intrusion. Il faut garder en tête que les grands-parents ont la place que leurs enfants vont leur donner et qu’il faut qu’ils la respectent. C’est un rôle qui se construit. Il faut se méfier des intrusions. Il est temps aussi pour cette jeune maman de prendre conscience qu’elle est une adulte et qu’elle est capable de se passer de ses parents.
Un avis sur tout
« Ok. C’est anonyme ? Parce que je ne dis pas un dixième de ce que je vous confie à ma mère. Je l’aime hein mais depuis que mes filles ont débarqué dans nos vies, j’ai le sentiment de passer un examen à chaque fois qu’elle vient nous voir. « Elles n’ont pas froid ? », « Tu sais que tu ferais bien de mettre des occultants dans leur chambre », « Ferme la porte chérie, tu veux que Louison chope encore une otite ? », « Ça ne fait pas deux fois de suite que tu leur fais des pâtes ? », « C’est un peu serré son pantalon non ? »… Parce que ce que j’ai oublié de dire, c’est que ma mère vit à 7 minutes de chez nous et que régulièrement (sans prévenir), elle vient nous rendre visite. Et donner son avis sur tout. Elle est d’une grande aide mais s’immisce sans retenue dans notre intimité avec une once de jugement qui met ma confiance à mal au bout d’un moment. »
Le regard de Béatrice Copper-Royer : Cette situation peut être prise avec un peu de légèreté et d’humour avant que cela devienne très très énervant ! C’est mal connaître le psychisme des parents que d’être comme ça, dans une espèce d’intervention toute puissante et dans des conseils multiples. Le risque pour la grand-mère est d’être remise à sa place et finalement de se voir rejetée. Il faut aussi être clair sur la place que l’on offre aux grands-parents. Cette grand-mère semble rendre beaucoup de services. Quand on est très dépendants des services rendus par un grand-parent, on peut être amené à accepter quelques remarques en y mettant assez de distance pour qu’elles ne soient pas toxiques.
Une supportrice en or
Quelle galère les premiers mois ! Un petit (gros) baby-blues, beaucoup de fatigue et l’impression généralisée de me noyer dans un verre d’eau. Et c’est là que ma mère, jusqu’ ici assez donneuse de leçon (pardon maman), s’est métamorphosée en super-héroïne de l’aide et de la compassion. Une vraie infirmière aux petits soins avec moi et ma ribambelle de cernes et d’interrogations. Juste à sa place, en back-up, sans jugement. Ce petit message est comme une déclaration. (coeur)
Le regard de Béatrice Copper-Royer, psychologue et auteur de Grands-Parents, le maillon fort : La naissance d’un premier enfant est un tsunami qui peut engendrer effectivement de très grandes fatigues physiques et psychiques. À ce moment là, il faut rappeler aux mamans qu’il est important de demander de l’aide. Et notamment à leurs propres parents. Le soutien d’une mère est très précieux parce que le sentiment d’abandon peut majorer énormément les symptômes.
Une place à trouver
« Ma mère m’avait annoncé la couleur : « Devenir grand-mère sera un très grand bonheur mais ne compte pas sur moi pour revêtir le costume de Mamie Nova. » C’était clair. Ma mère, fraîchement divorcée, entrait tranquillement dans la soixantaine avec des tas d’envies et de projets dans la tête : voyages entre copines, stage de céramique par-ci par-là, projets associatifs : la totale. Difficile de trouver une place à un nouveau-né. Enceinte de 7 mois, je n’arrêtais pas de me dire que son message signifiait : « Ton enfant, je n’en veux pas trop ma chérie ! ». Je n’avais pas besoin d’une mamie « baby-sitter » mais un peu plus d’engagement m’aurait apaisé. Aujourd’hui, ma fille a 15 mois et ma mère a tenu sa promesse : elle est super occupée ! Elle garde Lou de temps en temps mais je dois faire le deuil de la mamie que je m’étais imaginée… »
Le regard de Béatrice Copper-Royer : C’est très contemporain. Ce sont des grands-parents qui sont jeunes, en forme. Ils sont parfois fraîchement divorcés et dans une vie de couple qui leur plaît. La grand-parentalité n’arrive pas dans leur vie à un moment où ils sont très disponibles. On entend de ce fait des enfants qui se désolent en percevant cela comme un grand égoïsme. On ne peut pas reprocher à ces grands-parents de vivre leur vie, mais il est important de leur préciser que le lien avec son petit-enfant ne se fait pas d’un coup et qu’il se construit dès la naissance. Aujourd’hui, il y a toutes sortes de grands-parents : ceux très disponibles qui voient leur grand-parentalité comme une continuité et ceux qui ont acquis une certaine liberté et ne souhaitent pas qu’il y ait d’entraves à cela. Ils prennent leur rôle avec plus de décontraction. On n’est pas du tout dans une uniformité de grand-parentalité. Dans mon livre, je montre justement ce qui va bien mais aussi ce qui peut dysfonctionner..