Vivre loin de son travail : ça marche comment ?

Nathalie Fargeon, cofondatrice d'émoi émoi, a quitté Paris il y a 5 ans et rejoint régulièrement ses bureaux à Paris. Passionnée par son travail et engagée dans un équilibre vie pro-vie perso, elle nous éclaire sur un mode de vie qui séduit de plus en plus de salariés et d'entrepreneurs.

 

 

Ton approche clé pour équilibrer au mieux ta vie de mère et d'entrepreneure ?
Nathalie : Une des clés est de s’autoriser à prendre du temps pour soi. C’est souvent ce qui passe à la trappe quand on jongle entre son entreprise et la vie de famille, mais c’est essentiel pour trouver l’équilibre. J’essaie de prendre quelques minutes seule par jour, pour me préparer une tisane avec les plantes de mon jardin, lire quelques pages d’un livre ou écouter un podcast. Je fais du yoga une fois par semaine et je pars chaque année quelques jours seule (en retraite yoga, ou avec des copines).

Maison en province et bureau à Paris : pourquoi ce choix de vie ?
Nathalie : J’habitais à Paris quand j’ai créé émoi émoi il y a 10 ans, j’ai déménagé en Bretagne il y a 4 ans car mon mari y avait un projet professionnel, et parce qu’on avait envie que nos enfants grandissent plus près de la nature. On habite au bord de la mer, c’est une grande chance ! Depuis notre déménagement, j’ai un jardin, je passe plus de temps dehors, je marche dans la forêt, et ça me fait beaucoup de bien. Je suis très heureuse de pouvoir transmettre ces habitudes à mes enfants. Mais j’adore aussi retourner au bureau à Paris, passer du temps avec Adèle, mon associée, voir l’équipe et faire plein de réunions et de rendez-vous, ça me donne beaucoup d’énergie et d’idées. Ce nouvel équilibre me convient mieux que celui que j’avais à Paris, où je rentrais bien souvent quand mon fils était déjà couché.


Quel rythme et quelle organisation as-tu instauré pour faire de ce choix un atout dans ton travail et dans ta vie perso ?
Nathalie : Je viens à Paris une semaine sur deux, pendant 3 jours qui sont souvent très denses. Le reste du temps je suis chez moi en télétravail, en lien constant par visio, chat ou téléphone. J’aime bien ce rythme qui me permet d’avoir du temps à Paris pour voir mon équipe “en vrai” mais aussi rencontrer d’autres personnes, travailler le soir au bureau… Quand je suis en télétravail, j’ai plus de temps pour me concentrer sur des sujets de fond, et je peux aller chercher mes enfants à l’école le soir. Si besoin, je retravaille le soir quand ils sont couchés.

 

Quel conseil donnerais-tu à celles et ceux, entrepreneurs ou salariés, qui souhaiteraient vivre et travailler dans deux régions différentes ?
Nathalie : C’est une décision à bien préparer : avec ses associés, sa famille… Tout le monde doit s’adapter, il faut donc en discuter avant pour construire ensemble le meilleur rythme. Cela demande beaucoup d’investissement et de flexibilité professionnelle à mon mari qui gère seul l’organisation familiale une semaine sur deux. A Paris, mon associée Adèle est présente au bureau au quotidien, cela facilite aussi les choses. Je ne veux pas donner une image trop idyllique, ce n’est pas toujours facile pour moi, comme pour mon entourage : la semaine où je pars à Paris, je prends le train à 6h et je ne vois pas mes enfants du lundi soir au vendredi matin. Je recommanderais si possible de ne pas habiter trop loin du lieu de son entreprise, c’est plus facile quand on peut faire l’aller-retour sur la journée :) 

 

On peut transformer sans le vouloir ce nouveau mode de vie en énorme challenge qu'il ne faudrait absolument pas louper. Dans quel écueil ne pas tomber selon toi ?C’est un rythme fatiguant d’être entre deux villes. Je dirais qu’il faut s’écouter, s’économiser et faire évoluer ses habitudes si elles ne conviennent plus. Par exemple, au début je venais à Paris toutes les semaines pendant 2 jours. Après la naissance de mon deuxième enfant, j’ai décidé de venir une semaine sur 2, mais plus longtemps. Il y a des périodes d’adaptation, de changement, il faut en parler avec ses collègues, et sa famille, pour voir comment s’y adapter.

Chez beaucoup de parents, et de mères notamment, la peur d'être absent.e ou de créer un manque, une perte de repère chez son.ses enfant.s peut être un frein. Un rituel, une bonne pratique en tant que mère qui a fait ses preuves chez toi ?
Depuis qu’ils sont tout petits, même quand ils ne parlaient pas encore, je les prévenais de mon départ : la veille, par des mots simples et doux “demain je pars pour mon travail, on ne va pas se voir pendant quelques dodos, mais tout va bien se passer, Papa va s’occuper de toi et je penserai très très fort à toi. Je pense toujours à toi même quand je ne suis pas là et je serai heureuse de te retrouver.” Pour mon fils de 4 ans, je lui montre sur un calendrier les jours où je serai absente et celui où je reviens. Je projette un événement positif à mon retour, par exemple : “quand je reviendrai, je t’emmènerai à la piscine”. On a imprimé des photos qu’ils ont sur leur table de nuit et qu’ils peuvent regarder en cas de tristesse passagère.

J’appelle rarement, ou alors quand ils dorment, pour éviter de créer du manque. Je les laisse m’appeler quand ils en ont envie, ou quelque chose à me raconter ou à me demander. Il arrive régulièrement qu’on ne s’appelle pas du tout pendant 3 jours. De mon point de vue, trop d’appels ou de visio les perturbent dans leurs routines et leur font réaliser que je suis absente, ils sont souvent excités ou tristes après avoir raccroché.

Quand je pars longtemps, j’aime leur envoyer des cartes postales à la maison. Ils adorent recevoir du courrier, voir à quel endroit je suis. Parfois je leur apporte une petite surprise de Paris (un magazine, un livre, un vêtement ou une douceur…)

Gérer une boîte à moitié à distance, ça t'a apporté quoi de positif dans ton entreprenariat ?
Cela m’a apporté du lâcher prise : mon équipe est plus autonome. Quand j’étais tout le temps au bureau, j’avais tendance à intervenir ou donner mon avis sur beaucoup de sujets qui pouvaient en fait être résolus sans moi. J’ai été impressionnée de voir que certains projets avançaient très bien sans que je sois présente tout le temps et j’en remercie sincèrement toute la team !

Par ricochet, j’ai plus de temps : plus de temps pour mon équilibre pro-perso, et plus de temps pour me concentrer sur des sujets de réflexion (un business plan, un nouveau développement).

 

 

 

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