Chaque crise révèle des choses, met en exergue des rôles, redessine les contours. Celle du Covid a mis à l’épreuve notre parentalité et notre place au travail. Qui a pris quelle place ? Qui s’est chargé des enfants ? Qui a dû/pu travailler à plein temps ? Pour de nombreux pères, ces mois sans école et parfois sans travail ont été l’occasion d’investir davantage encore leur rôle de parent. Certains ont même eu le sentiment de (re)découvrir leur parentalité ou de rattraper un congé paternité dont ils s’étaient sentis privés. Et si cette période inédite avait obligé les entreprises à repenser la place des pères au travail, et à fiortori celle des mères, trop souvent discriminées ? Sur le sujet, l’article publié par la plateforme Welcome to the Jungle a retenu notre attention.
préciser pour le Parental act qu’émoi émoi est signataire (105 entreprises, dont émoi émoi…)
Un tournant historique ?
Dans de nombreux foyers, les mères ont poursuivi leur activités professionnelles laissant aux pères en chômage partiel imposé la place de référent principal durant la journée. Une distribution des rôles qui, malgré un investissement des pères plus important au sein de la parentalité, restent relativement inédite (les pères au foyer restant très marginalisés). Comme l’indique Laetitia Vitaud, rédactrice en chef de Welcome to the jungle : « Certain.e.s observateurs/observatrices y voient un tournant culturel historique et l’ont même comparé au tournant de la Seconde Guerre mondiale pour l’entrée des femmes sur le marché du travail. À l’époque, des millions de travailleuses dans les usines d’armement ont prouvé que les femmes pouvaient être des ouvriers comme les autres. Aujourd’hui, ce sont des millions de pères qui prouvent qu’ils peuvent être des parents comme les autres. »
A l’instar de Flo, papa de 3 enfants, qui a vu son activité professionnelle s’arrêter complétement durant le confinement : « Ma femme est infirmière, moi je travaille au sein de l’aéroport d’Orly. Dès le début du confinement, je me suis occupé des enfants la grande majorité du temps. Si au début j’étais assez dubitatif quant à mes qualités de papa à temps plein, aujourd’hui je me dis que j’ai pu saisir l’occasion en or de me connecter davantage à mes enfants et de m’investir pleinement dans un rôle que je cherchais à nourrir davantage encore. Avec ma femme, nous sommes dans la dynamique de partager au mieux les tâches mais j’étais en retard de plusieurs mois sur l’implication émotionnelle, honnêtement. Mais aussi sur tous ces petites détails logistiques qui parfois m’échappaient. Je n’avais pas vécu son congé maternité, il me manquait mon temps à moi, avec eux. C’est chose faite (et non sans ras-le-bol parfois hein !). Ce qui est certain, c’est que ce socle est fondateur pour les années à venir. »
Vers un congé paternité plus long ?
L’allongement du congé paternité : un sujet crucial pour les hommes (mais aussi pour les femmes). Si tous les spécialistes s’accordent à dire que la présence du père de manière plus prolongée encourage son lien parent-enfant mais aussi son implication future dans sa parentalité, il est aussi un enjeux majeur dans la question de la place des femmes au sein de la société et dans le monde du travail. « Juste avant la pandémie, 105 entreprises françaises ont pris le sujet à bras le corps en s’engageant à allonger le congé paternité. Le « Parental Act », une charte prévoyant la prise en charge d’un « congé second parent » de quatre semaines au minimum, marque un changement de paradigme dans un pays où le congé paternité n’est que de 11 jours. » souligne Laetitia Vitaud, sur le site Welcome to the Jungle. Une charte signée par émoi émoi #évidemment.
Pour Louis, papa de deux petites filles, la question du congé paternité prolongé n’a jamais été une question. Jusqu’au confinement. Sa cadette, née en janvier dernier n’a alors que 2 mois quand la France entre en confinement. « Pour ma première fille, je suis restée 4 jours aux côté de ma femme et de mon bébé avant de reprendre le travail pleinement. Je n’avais pas particulièrement souffert de ce retour rapide à la vie active car j’étais finalement conditionné pour penser que ma place était au boulot et que mon bébé n’avait de toute façon besoin que de sa maman à cet instant-là. Sans compter que je pensais que ma femme se délectait de passer ces moments en tête-à-tête. Pour Inès, notre seconde fille, j’ai répété le même schéma mais avec à l’esprit la notion de charge mentale et physique que pouvait vivre ma femme avec deux enfants en bas-âge à gérer. Puis le confinement s’est imposé et j’ai eu LA révélation. J’ai passé 2 mois et demi collé-serré avec mes enfants et autant de temps à voir évoluer mon dernier bébé. Ma femme a pu souffler et moi j’ai pris conscience de la force du truc ! Et de tout ce que j’avais manqué. Cela a été l’occasion pour ma femme de prendre du temps pour elle et pour ses projets personnels et professionnels. J’ai aussi pris conscience du boulot énorme que ce « congé » maternité impliquait… »
Réduire les inégalités homme/femme
Cette crise et ce confinement ont inévitablement et concrètement mis en exergue la vision parfois machiste de certains dirigeants. Avec cette idée sous-jacente que la femme devait se « sacrifier » pour garder les enfants durant le confinement. Une pensée réflexe qui circule dans de nombreuses boîtes et qui a pu surprendre certains salariés.
Greg, papa de deux enfants en bas âge se voit contraint de diminuer drastiquement son activité durant le confinement. De son côté sa compagne poursuit son activité à 100% en télétravail. « Je pouvais profiter du chômage partiel et Marine, free-lance, pouvait poursuivre son activité et honorer ses missions. Ce n’était pas un sujet chez nous. Une sacrée organisation mais pas un sujet. Elle devait le faire et tout se goupillait bien pour nous. En revanche pour ma boîte, quand il a fallu reprendre l’activité le 11 mai sans pour autant avoir de solution de garde pour nos enfants, j’étais assez surpris des réflexions de mes boss. En pleine réunion vidéo, un des deux prend la parole : Bon alors, messieurs je compte sur vous pour être sur le pont pleinement maintenant ! Aucune allusion à la garde compliquée des enfants en cette période charnière. Je prends la parole : Oui mais il va falloir prendre en compte le fait que nos enfants ne reprennent pas encore l’école ni la crèche et que beaucoup de parents ne pourront pas être 100% présents. Et lui de renchérir : Ta femme n’est pas là ?. Il y a encore du chemin à faire…«
Là encore, la question du congé paternité et de la prise en compte du partage des tâches parentale par les entreprises est un axe incontournable : « (…) si la différence de durée des congés des parents est moins grande, et si l’implication des pères et des mères dans la vie des enfants est comparable, alors il y a moins de raisons de faire de la discrimination contre les mères en entreprise. Car c’est bien avec la parentalité que les discriminations sont les plus fortes. Même au Danemark, qui est pourtant l’un des pays les plus égalitaires au monde, les revenus moyens d’une femme baissent de 30% pendant les années qui suivent la naissance d’un enfant. On dit souvent que les carrières des hommes sont « boostées » quand ils deviennent pères, tandis que celles des femmes connaissent un important ralentissement. » souligne l’article de Welcome to the Jungle avant de poursuivre : « Comme l’explique Hélène Périvier, économiste à l’Office français des conjonctures économiques (OFCE), « réformer l’architecture des congés parentaux permettrait d’agir sur cette discrimination indirecte qui pèse sur les femmes qui travaillent ». Pour mettre les hommes et les femmes sur un pied d’égalité, et avoir un impact durable sur les carrières féminines, il est donc essentiel de permettre aux pères d’assumer une part plus importante des responsabilités parentales. »
Et vous, vous en pensez quoi ?
Photo : Wanted !