Se séparer quand on a des enfants

Image : film "Kramer contre Kramer"

 

Parce que dans ce contexte, une rupture amoureuse nous oblige à réinventer notre vision et notre approche de la famille, nous avons demandé à deux femmes, deux mères, de nous parler avec leurs mots de leur séparation, sans occulter le concret.

Maela, maman de deux enfants.

“Je suis séparée depuis trois ans et demi. Les enfants avaient 8 ans et 10 ans et demi. Mon ex-conjoint est à l’initiative de la rupture. J’ai été dans le déni un certain temps, cela fut une période d’immense chagrin. A 38 ans, ma vie tournait autour d’un socle composé de mon couple et de la famille que nous avions fondée. Mes fondations s'écroulaient soudainement. Se séparer exige de traverser plusieurs deuils en même temps : celui du couple, de la famille, des moments partagés autour des enfants et d’autres encore.

L’organisation
Au début de la séparation, nous avons vécu une période transitoire de 2 mois durant laquelle les enfants restaient dans la maison familiale pendant que leur père et moi quittions le domicile à tour de rôle. Nous coupions la semaine en deux. J’allais chez des amis les semaines B. C’était extrêmement dur mais nécessaire. 

Puis quand chacun a pu prendre possession de son logement, nous avons mis en place une garde alternée du vendredi soir au vendredi soir suivant, chacun chez soi.

Grâce à son aisance financière, mon ex-conjoint a pu acheter une maison dans laquelle il vit avec sa femme près de chez nous, dans le Morbihan. Je suis restée dans la maison familiale en versant un loyer à mon ex-conjoint. Passée l’idée que mon propriétaire est mon ex-conjoint, cela reste l’option la plus simple pour tout le monde.

Ses meilleurs outils 
Le carnet de liaison. Durant plus de deux ans, nous avons utilisé un cahier de liaison. Chacun des parents prenait soin de noter des moments partagés avec les enfants durant sa semaine. L’école, les copains, les activités, les chagrins, les gens qu’ils avaient vus. C’était parfois difficile de lire tout ce que l’on manquait mais c’était aussi bénéfique pour faire le lien entre leurs deux espaces de vie. Aujourd'hui, notre fille aînée a un téléphone, et nous communiquons par sms, ou appel avec nos 2 enfants ; le carnet ne sert plus que pour y noter des événements importants pour laisser une trace.

Se retrouver tous les 4. S’il se passe ou s’est passé quelque chose d’important, nous trouvons le temps de nous réunir ensemble, dans un lieu neutre, autour d’un verre et d’un goûter.

1 SMS par jour. Au début de la garde alternée, nous avons décidé d’envoyer un message par jour à l’autre parent pour donner des nouvelles des enfants. Je les appelais aussi tous les deux jours mais cela me faisait plus de bien à moi qu’à eux. J’ai vite réalisé que mes enfants avaient davantage besoin de se connecter au parent présent, d’être ancrés dans ce qu’il se passe là, maintenant. A trop s’immiscer, on met du chaos dans le chaos. Au fil du temps, le cadre s’est assoupli, les sms et appels  ont été plus fluides et plus spontanés.

Son conseil
Lors d’une séparation, il est important de prendre soin de soi en priorité et d’aller chercher du soutien auprès des amis proches et de thérapeutes. Si on est mal, on ne peut pas s’occuper correctement de ses enfants. Ce serait comme leur mettre un masque à oxygène avant le sien dans un avion ; on s’évanouirait avant. La séparation fut une épreuve très dure mais pas insurmontable. Une fois le deuil terminé, j’ai pu prendre un chemin de reconnexion à moi-même qui m’a ouvert de nouvelles perspectives de vie et qui m’apporte beaucoup de bonheur !

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Elsa, maman d'un petit garçon.

La séparation
Après 11 ans de vie commune, nous nous sommes séparés. C’était il y a 5 ans, notre fils avait 2 ans et demi. Nous étions alignés sur la nécessité de rompre. L’enfant était le vrai sujet. On s’est séparés mais on n’a pas divorcé tout de suite de manière à pouvoir expérimenter différentes organisations de garde. C’est peut-être paradoxal mais de l'échec du couple jaillit un élan en tant que parent. On a souhaité donner le meilleur dans ce domaine. 

L’organisation
J’ai la garde principale et son papa passe tous les matins chez moi pour l’amener à l’école. Ils sont également ensemble tous les mercredis soir et un weekend sur deux. Cette organisation ressemble beaucoup à notre vie de famille passée, cela nous a permis de faire une transition en douceur, de ne pas changer le cadre. Aujourd'hui, j'ai eu un bébé avec mon nouveau compagnon et cela n'a pas eu d'impact sur notre organisation. 

Nos outils 

Le triangle des liens. Au moment de ma rupture, j’étais suivie par une psy qui m’a partagé un schéma très simple pour parler de séparation avec son enfant. Elle a dessiné un triangle. A chaque angle : le papa, la maman, l’enfant. On trace une croix sur la ligne qui relie le papa et la maman pour signifier que la relation amoureuse n’existe plus, et on lui montre que les traits qui relient l’enfant à chacun de ses parents ne se modifient pas. Notre fils a tout de suite intégré ces liens indéfectibles grâce à ce schéma.

Pour autant, je n’ai pas considéré que le job était fait pour toujours. Des questions arrivent au fil de l’eau et des âges. Cinq plus tard, mon fils m’interroge encore sur ces sujets et il faut fournir de plus en plus de réponses claires. 

Un déjeuner par mois pour faire un point. Au début, soyons clair, je voyais ces rendez-vous comme le moyen de contrôler l'éducation de notre fils. Mais en réalité, il faut savoir lâcher prise. Mon fils va avoir plusieurs modèles et il faut que j'accepte qu'il n'y a pas toujours d'alignement de valeurs. Je suis par exemple très écolo et mon ex adore la Formule 1 ! Mais je sais que mon fils fera "son shopping" parmi tout ce qu'on lui apporte. 

Son conseil
Il y en a un tout simple qui recentre le débat et nos égos : mettre toujours l'enfant au centre et s'autoriser une sorte de test and learn : est-ce que ça, ça marche pour lui ? Non. Alors on change. 

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