Chez émoi émoi, on est persuadées qu’il y a mille façons de conjuguer l’amour et que cela ne passe pas forcément par la case bébé. Céline nous confie son désir de ne pas avoir d’enfant, le regard des autres, et les questions que son choix suscite, encore.
Se rencontrer, s’aimer, vivre ensemble et … Et ?
Dans nos sociétés, l’enfant est la suite logique, l’aboutissement d’une relation, et le début de la construction de la famille. Or, on le sait et on le défend : “La maternité est une option que chaque femme est supposée être libre de choisir ou de décliner, avant d’accéder sereinement aux méthodes qui rendent possible la réalisation d’un projet censément personnel, mais dont tout le monde se mêle en permanence.” Une idée simple, un propos clé que l’auteure Fiona Schmidt, confiait dans l’interview accordée à émoi émoi lors de la parution de son livre « Lâchez-nous l’utérus ! »(Editions Hachette)
Avoir un enfant bouleverse toute une vie. On l’avait évoqué dans notre article sur le regret maternel, la grande aventure de la parentalité n’est pas un long fleuve tranquille et peut s’accompagner de beaucoup de souffrances. Chez émoi émoi, on pense qu’il est essentiel de changer les mentalités et d’autoriser chacun.e à faire ses propres choix sans chemin tout tracé et sans pression. Le témoignage de Céline est essentiel car le désir de ne pas avoir d’enfant est encore difficile à comprendre, voire à entendre.
“On peut choisir sereinement de ne pas avoir d’enfants. C’est pas par manque de tendresse. C’est par amour de la vie qui nous reste” (Ben Mazué, Parents, album Paradis, 2020)
Céline : « Je manque de modèles alternatifs auxquels me référer. Et je trouve injuste de devoir sans cesse me poser la question de mon choix. »
“Depuis la fin de mon adolescence, je sais que je ne veux pas d’enfants, raconte Céline, 31 ans. Je suis en couple depuis deux ans et on est d’accord là-dessus avec mon compagnon. On a des carrières prenantes dans le milieu associatif et dans l’administration, liées à notre envie d’avoir un impact positif sur la société. On adore les vacances sportives, on fait de l’alpinisme et de la randonnée en vélo. J’apprécie ma liberté et je ne ressens pas l’envie d’avoir d’enfant. D’autant que j’observe autour de moi comme l’arrivée d’un enfant bouleverse la vie de mes amis, notamment en termes d’organisation avec moins de place pour l’improvisation et le changement. Mais en atteignant la trentaine, ce choix est devenu plus difficile à assumer ou simplement à évoquer : nos amis commencent à avoir des enfants, nos parents attendent leurs petits-enfants, les gens nous posent la question… C’est un choix fort et clivant. Dès qu’on l’explique, cela peut être perçu comme une critique du mode de vie de la plupart de nos proches. L’horloge biologique complique la chose : la question tourne parfois dans ma tête “maintenant je suis sûre, mais si un jour j’avais des regrets”… Difficile de discerner ma propre volonté de la pression sociale. Dans la vision de la famille traditionnelle, une femme s’accomplit forcément en passant par la case maternité. Je manque de modèles alternatifs auxquels me référer. Et je trouve injuste de devoir sans cesse me poser la question de mon choix, alors qu’on ne demande pas aux gens qui veulent des enfants de s’expliquer. Au fond, leurs motivations sont-elles plus légitimes que les nôtres ?”
« En atteignant la trentaine, ce choix est devenu plus difficile à assumer ou simplement à évoquer : nos amis commencent à avoir des enfants, nos parents attendent leurs petits-enfants, les gens nous posent la question… C’est un choix fort et clivant. »
Childfree : pas un phénomène mais un désir à prendre en compte.
Le terme Childfree est apparu aux Etats-Unis dans un article du Time en 1972. Il définit les personnes n’ayant pas d’enfants par choix. Les études sur la proportion de la population concernée sont peu nombreuses et les chiffres avancés divergent, de 5% à 27% (Etude américaine sur 1000 personnes dans le Michigan en 2020), mais cela représente un nombre significatif de personnes. En France, des femmes ont pris récemment la plume pour lever le voile sur leur désir de ne pas avoir d’enfant à l’instar de Fiona Schmidt, mais aussi de Childfree de Bettina Zourli ou No Kid de Corinne Maier.
A l’origine, les Childfree expliquaient simplement ne pas ressentir l’envie d’enfant et un souhait de se réaliser autrement, dans sa carrière professionnelle ou dans ses relations et projets personnels. Comme le déclarait Thomas Pesquet au Parisien en avril 2021 : “c’est un choix de couple, On n’a jamais eu tellement le temps, ni l’envie irrépressible d’en avoir.” Aujourd’hui, de plus en plus de Childfree soulignent l’argument écologique de ne pas vouloir faire grandir des enfants dans un monde qui va mal et aux sombres perspectives futures.
Ils te diront “comment t’as pu laisser faire ça ?”. T’auras beau te défendre leur expliquer tout bas, c’est pas ma faute à moi, c’est la faute aux anciens. Mais y’aura plus personne pour te laver les mains. (Mickey3D, Respire, album “Tu vas pas mourir de rire”, 2002) Céline cite ces paroles de Mickey3D : “J’ai grandi avec cette chanson, et je relie ma décision de ne pas avoir d’enfant avec ce qui est dit dedans. Je refuse de contribuer à ce que des enfants ressentent ça un jour. D’autant que personnellement j’ai beaucoup ressenti cette colère face à l’état de la planète, et cette difficulté d’en parler avec mes propres parents.” Dans notre article consacré au livre “Lâchez-nous l’utérus”, l’auteure Fiona Schmidt conclut : “Ce n’est pas parce que je ne veux pas d’enfant que je suis contre la maternité, ou contre les parents, ou contre les enfants, par exemple. Chacun.e devrait pouvoir accepter et défendre la liberté d’autrui à faire des choix qu’il/elle ne ferait pas pour soi, parce que c’est ça, le vivre ensemble.” Alors, déclarons l’amour, à tout le monde.