Chez émoi émoi, parler de tous les sujets de parentalité est essentiel. Parce que chacun.e peut y trouver un écho et que l’aventure est si dense, si singulière, si intense, qu’elle revêt d’innombrables facettes. On avait très envie de parler avec vous du regret maternel.
Dans son livre « Mal de mères : 10 femmes racontent le regret d’être mère », la journaliste Stéphanie Thomas lève le voile sur un tabou ultime dans une société où la maternité est glorifiée. Là où l’on aurait tendance à mettre en lumière la palette des émotions positives qui émergent dès lors que l’on devient maman, la journaliste y livre l’ambivalence et le monde abyssal dans lequel ces femmes devenues mères plongent…jusqu’à s’y noyer ? Un sujet qui a fait l’objet de plusieurs articles et dont les témoignages, le plus souvent anonymes, font éclore d’autres histoires de femmes.
À ces échos s’ajoutent, inévitablement, des commentaires interrogateurs et des jugements. Dans un monde où le désir d’enfant n’est pas toujours aisé à concrétiser, entendre qu’une mère regrette de l’être, fait grincer des dents. Or, le sujet réside justement dans la découverte violente de ce regret. Le sentiment d’être prises au piège, de se sentir prisonnières, est largement partagé par une centaine de femmes ayant répondu à l’appel à témoins du journal Le Monde. La psychologue Fabienne Sardas, autrice de Maman blues : du bonheur et de la difficulté d’être mère (éd. Eyrolles, 2016) analyse : « On peut aimer ses enfants mais ne pas aimer la maternité, regretter la somme des responsabilités parentales, qui nécessite des sacrifices, une telle dévotion, de telles contraintes », et ajoute : « Le regret est une émotion lourde, un état de conscience douloureux. La femme peut avoir le sentiment de passer à côté de son identité profonde, à côté du sens de sa vie ». Chez ces femmes, ces mères, transparaît le désir de ne pas faire porter à leur.s enfant.s le poids de leurs difficultés à aimer leur maternité, son quotidien, son amplitude affective. Il y a l’envie d’être irréprochable dans l’éducation de ses enfants tout en vivant péniblement des sentiments pesants et ambivalents. Dans son livre, Stéphanie Thomas souhaite rendre hommage à ces femmes dont le regret maternel n’est pas de la maltraitance ni du désamour, au contraire : « Aussi étrange que celui puisse paraître, c’est justement l’intérêt que ces femmes portent à leur regret qui fait d’elles des femmes investies dans leur rôle de mère ».
« J’aime mes enfants mais je n’aime pas être mère. »
Le sujet du « mal de mères » s’affirme alors-même que le poids maternel se fait de plus en plus fort et l’illusion du bonheur parental de plus en plus instagrammé. La psychologue Fabienne Sardas partage cette analyse dans un article publié dans le magazine Marie-Claire : « Le mythe de la dévotion maternelle fait des ravages. Les mères ne se sentent plus à la hauteur car il y a un monde entre ce que vend la société (elles vont être comblées, remplies de bonheur) et la réalité. On a voulu un enfant, mais pas ce corps qui se transforme et s’abîme, pas ce déséquilibre du couple, pas ce bouleversement de soi-même et toute la vulnérabilité que cela entraîne parfois”. Écrasées par le poids de la culpabilité, ces femmes délient les langues et soulignent toute la complexité d’être mère. Et la découverte de celle que l’on devient. On vous invite à parcourir le sujet. Parce qu’au-delà de sa réalité, il touche à divers degrés l’essence même de la maternité : être mère n’est pas inné.
A celles qui vivent ce regret, celles qui se sentent seules, celles qui peinent à apprécier ce rôle si sacralisé, à celles qui n’osent pas dire, pire, ressentir l’ambiguïté, le désir de tout laisser tomber, la crainte de s’être soi-même abandonnée,… On pense à vous. Et on est toujours dispo pour en parler.
Photo : Wanted !