Photo : Andria Lindquist
Que ce serait si dur de mettre au sein un nouveau-né.
Que trois jours après avoir accouché, je prendrais trois tailles de bonnets et je me reconnaitrais à peine dans la glace (moi qui n’avais pas décollé de mon 85B en neuf mois de grossesse…).
Que parfois, ça fait mal. Mais que ça ne dure jamais longtemps et qu’on peut très bien se faire aider.
Que je me poserais tant de questions scientifiques sur les heures de tétée, quand il a faim, quand il a besoin d’être rassuré, le poids qu’il prend, la quantité de lait, la lactation, pour essayer de comprendre comment nos corps sont faits et comment l’aider à grandir et à devenir plus fort, ce minuscule être si fragile.
Que je garderais si longtemps ce petit carnet à compter les tétées, chaque minute où il se réveille, le temps où il mange, pour être sûre qu’il se régule bien.
Qu’il faudrait du matériel pour mettre en place tout ça et nous aider tous les deux : tire-lait, bout de sein, pommade, coussin d’allaitement, soutien-gorge… Du matériel qui fait peur au début, qui fait grimacer celles et ceux qui ne sont pas passés par là, qu’on range quand les amis viennent voir le nouveau-né à la maison… Mais qui finalement aide bien et disparaîtra bien vite, quelques semaines après quand les petites douleurs auront disparu et qu’on aura appris à se connaître lui et moi.
Qu’il y a des gens dont c’est le métier, d’aider les nouvelles mamans à apprendre à allaiter (et qu’elles ont grandement facilité ces premiers jours si délicats).
Qu’alors que ça n’avait pas d’importance pour moi avant sa naissance, cela deviendrait une immense fierté après quelques semaines quand il grandirait bien, dormirait bien, mangerait bien, de l’avoir nourri comme ça, moi toute seule.
Qu’après ces premières difficultés, ce serait si naturel, facile, évident de le nourrir, comme je l’avais imaginé naïvement avant de devenir maman.
Que le papa serait si prévenant, attentif, écouterait chaque conseil, foncerait à la pharmacie chercher quelque chose pour me soulager, se réveillerait toujours avant moi, irait chercher le bébé pour me l’amener et le bercerait ensuite le temps qu’il se rendorme pour que je puisse me recoucher plus vite.
Qu’il serait si heureux et fier de nos petites victoires, que ça ne l’empêcherait pas d’être si proche de son fils que j’en suis presque jalouse parfois.
Que le corps humain est si formidablement fait, qu’il s’adapte à merveille avec les besoins de l’enfant, qu’il faut juste lui laisser quelques heures, quelques jours pour apprendre et ne pas perdre patience à la première difficulté.
Que ces moments passés ensemble, ces câlins nocturnes dans le salon, dans un fauteuil avec une lumière douce, lui tout contre moi en train de boire calmement, moi en train de lire un roman passionnant pour rester éveillée, deviendraient vite des instants attendus au premier cri, ensuite rares et finalement de merveilleux souvenirs, une fois la routine des nuits normales installée.
Qu’il ferait ses nuits à deux mois, alors que j’appelais en paniquant toutes mes amies mamans après plusieurs semaines à ne pas dormir plus de trois heures de suite, en leur demandant si au biberon, il ne dormirait pas mieux.
Que l’allaitement serait une très bonne excuse pour m’échapper une demi-heure des dîners de famille et du salon plein de bruits, de tous ces gens qui veulent voir le bébé, le tenir, savoir comment je vais, de nous offrir à tous les deux une parenthèse de calme dans une chambre à l’étage, un petit câlin juste lui et moi car vous comprenez « il a besoin de calme pour manger ».
Que je serais si triste de devoir arrêter, de commencer le sevrage le jour de ses deux mois, pour préparer le retour au bureau. Après avoir mis tant de cœur, de volonté, à y arriver, à trouver notre rythme tous les deux, de devoir passer à autre chose, laisser d’autres personnes lui donner à manger. Changer tout ce qu’on avait mis en place, me poser de nouvelles questions, me demander la nuit « et là, s’il se réveille maintenant, je dois lui donner un biberon ou le sein ? ». Avoir envie de continuer les tétées, matin et soir, mais être épuisée par la reprise, ne pas avoir le courage de continuer, de m’organiser pour rentrer plus tôt
Que ce sevrage serait le signal de la fin d’une parenthèse de quelques semaines à vivre au rythme d’un nouveau-né, selon ses besoins, mon corps s’adaptant au sien, pour tous deux nous habituer à cette nouvelle vie : lui cette vie en dehors de moi, seul, et moi appréhender ce nouveau corps de maman, récupérer des forces après ce bouleversement de l’accouchement.
Qu’aujourd’hui je suis sûre que pour un prochain enfant, j’aurais envie d’allaiter, si possible plus longtemps, et je serais moins inquiète, confiante, car « c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas ! »
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Ces mots ont été écrits par une jeune maman qui a allaité 3 mois son petit garçon. Elle partage ici ses surprises, bonnes et moins bonnes, dans la découverte de l’allaitement, ce qu’elle ne savait pas avant de le vivre et ce qu’elle a envie de dire aujourd’hui à ses amies qui deviennent mamans. L’idée n’est pas de donner des injonctions, ni de porter un jugement dans un sens ou dans l’autre « il faut allaiter » ou « on est obligée d’arrêter l’allaitement quand on reprend le travail » (il y a de nombreuses mamans qui continuent et heureusement !), mais d’apporter un témoignage vécu, car on se sent très seule et perdue les premiers jours avec un bébé. Il n’y a pas de vérité générale sur ces questions très personnelles, comme le disait une maman hier sur Facebook « le biberon a donné le choix à la femme de donner ou non de son corps encore après la grossesse – laissons lui vraiment ce choix ».
Nous ne voulons pas porter d’avis. Chacune est libre de nourrir son enfant comme elle le souhaite, sein, biberon ou allaitement mixte, pour la durée qu’elle veut, en fonction de ses contraintes, de ses envies, de son bébé et de son couple, car c’est un choix qui se fait à deux. Nous serions ravies de publier de nouveaux témoignages de mamans, sur le travail et l’allaitement, comme plusieurs d’entre vous nous l’ont proposé sur les réseaux sociaux, sur le biberon ou sur tout autre thème qui vous touche sur ces premières semaines si importantes dans la vie avec un enfant. N’hésitez pas à nous envoyer vos textes à bonjour@emoi-emoi.com.