A 34 ans, Juliette, auteure du blog Je ne sais pas choisir apprend qu’elle a un cancer du sein. Aux côtés de son compagnon, cette jeune maman d’un petit garçons de 15 mois à l’époque, traverse cette épreuve comme elle peut. Parce que comme elle dit : « Ce n’est pas un combat : on a le droit d’avoir peur, on fait juste de notre mieux et c’est déjà énorme. » Elle nous parle de l’annonce, de ses proches, de son opération. Et de la nécessité d’en parler. Encore et encore.
Comment as-tu abordé cette épreuve juste après l’annonce ?
En juin 2019, j’ai rendez-vous pour une échographie mammaire. Ça fait quelques mois que je sens une grosseur dans mon sein droit, mais j’allaite encore mon fils de 15 mois et je mets ça sur le compte de l’allaitement. Ma sage-femme n’est pas inquiète mais elle me conseille de quand même faire une écho, pour me rassurer. Je vais donc à mon rendez-vous sans stress particulier, et puis très rapidement, une fois là-bas, tout dérape et s’enchaîne…
L’échographie montre des anomalies et le médecin m’emmène dans la salle d’à côté pour une mammographie. Puis, il m’annonce qu’il y a un problème, qu’il faut que je prenne rendez-vous très vite pour une macro-biopsie. Je suis debout dans son bureau et je sens le sol se dérober sous mes pieds. J’essaie de creuser, je lui demande ce que ça peut être, mais il a le regard fuyant, il regarde mes clichés sans me regarder moi, me dit qu’il ne peut pas s’avancer. L’annonce officielle de mon cancer du sein par ma généraliste aura lieu 10 jours plus tard, mais au fond de moi, je sais. Son silence gêné est déjà une annonce en soi.
En sortant du centre de mammographie, mon premier réflexe a été d’appeler Gaëtan, mon mari. J’ai fondu en larmes et, entre deux sanglots, je lui ai expliqué qu’il y avait quelque chose d’anormal, que j’allais devoir faire une biopsie, et très vite je suis passée à des considérations plus terre à terre : est-ce qu’il pourrait m’accompagner ? Poser une journée de congé ? J’avais besoin de me raccrocher à des choses concrètes pour ne pas m’effondrer.
Puis je suis rentrée chez moi, j’ai encore beaucoup pleuré, puis j’ai essayé de me ressaisir. Je devais aller chercher mon fils chez sa nounou et je me suis dit que je devais être forte pour lui. C’était ma priorité : être là pour lui, ne pas lui transmettre mes angoisses. C’était terrible mais je me disais que si je devais disparaître dans quelques mois, autant en profiter au maximum pour faire de chaque jour une joie et un beau souvenir. Je n’avais plus de temps à perdre.
Comment en as-tu parlé à tes proches ?
J’en ai très rapidement parlé à mes parents et à ma sœur : je ne voulais pas que ça soit un tabou et je savais que j’allais avoir besoin de soutien, psychologique mais aussi logistique. Je les ai appelés à chaque étape pour les tenir informés : la mammographie, la biopsie, les résultats, la chirurgie… Ma maman a été très présente pendant toute cette épreuve, elle qui est très en retrait normalement, très pudique sur ses émotions, est venue m’aider à m’occuper de mon fils après la biopsie puis a joué les infirmières après ma mastectomie.
Je n’ai pas fait d’annonce « officielle » sur les réseaux sociaux, Gaëtan préférait attendre que ça soit derrière nous et j’ai respecté ce besoin. Je savais que ce cancer était quelque chose qu’on allait affronter ensemble, et qui lui faisait peur tout autant qu’à moi.
En revanche, quand je croisais des connaissances et qu’on me demandait des nouvelles, je ne cachais pas la situation. Je pense que c’est important d’en parler, c’est encore trop tabou aujourd’hui. Même si on évoque beaucoup la maladie, notamment pendant Octobre Rose, on ne rentre jamais dans les détails. J’ai par exemple dû chercher sur internet à quoi ressemblait une mastectomie, pour savoir à quoi mon corps allait ressembler après l’opération.
Et aujourd’hui, quel regard portes-tu sur cette épreuve ?
C’était il y un an et j’ai pourtant l’impression que c’était il y a bien plus longtemps. On me dit souvent que je n’ai pas eu de chance d’avoir un cancer du sein à 34 ans. De mon côté, je préfère au contraire m’estimer chanceuse car il a été détecté très tôt. Je n’ai eu « que » la mastectomie, pas de traitement adjuvant (chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie). Je suis aujourd’hui guérie, en pleine santé, présente pour voir grandir mon fils.
Ça a été une épreuve difficile malgré tout, je ne vais pas enjoliver la chose, mais c’est une épreuve qui m’a également fait grandir, qui me pousse aujourd’hui à concrétiser mes projets. Qui me donne envie de profiter de mon enfant au maximum. Qui me fait relativiser énormément. Et qui m’a rapprochée des gens qui comptent.
Qu’aimerais-tu dire aux jeunes femmes, aux femmes qui passent par-là ?
De s’entourer des bonnes personnes pour affronter cette épreuve. De ne pas avoir peur d’en parler, de se faire aider. Qu’on vit très bien avec un sein en moins. Qu’elles ne sont pas seules, et qu’elles ont en elles toute la force nécessaire pour traverser ça. Et que si elles craquent, c’est normal aussi ! Contrairement au langage guerrier souvent utilisé quand on parle du cancer, ce n’est pas un combat : on a le droit d’avoir peur, on fait juste de notre mieux et c’est déjà énorme.