La première fois que j’ai rencontré mon bébé #2

On imagine cette rencontre pendant des mois. Ou pas. On l’appréhende, on s’impatiente, on la redoute, on l’attend…Et comme chaque naissance est différente, chaque rencontre l’est tout autant. C’est pour cela que l’on adore vous donner la parole. Pour raconter les premières minutes de ce temps qui s’arrête, de la magie mais aussi de ces émotions multiples et paradoxales qui font de nous des femmes et des hommes uniques et profondément aimants. 

 

13h de travail, une césarienne inattendue. Et le bonheur.

Le personnel médical est exceptionnel. On me rassure, on répond à mes questions stupides (“Je vais tout entendre ?”), on m’explique que je vais tout sentir pendant la césarienne mais sans douleur, qu’en quelques minutes tu seras là (enfin) et qu’ensuite il faudra environ 20 minutes pour recoudre. Tout va très vite, les médecins anesthésistes sont derrière moi et m’encouragent. Je suis sereine, confiante. Je sens que tu es sortie de mon ventre alors je demande : “C’est un garçon ou une fille ?”. Vous pouvez recoudre toutes les couches que vous voudrez, en biais, de travers ou avec du fil vert. Je suis la plus heureuse. La sage femme s’approche, elle porte dans ses bras la plus belle des petites filles. Mon cœur pleure mais mon corps reste concentré, je suis encore couchée, les bras en croix avec le drap bleu devant mes yeux. Pas grave, je ne vois plus que toi. Je te fais un bisou timide, j’ose à peine bouger, le médecin est toujours en plein atelier couture. Après toutes ces émotions, ces 13 heures de travail pour du beurre (ou presque), je t’ai attendu en salle de réveil. J’avais la bouche sèche, les jambes endormies et le haut du corps tremblant à cause de l’anesthésie. Tu es arrivée toute emmitouflée dans les bras de ton Papa. Ma fille, ma merveille. Cette fois je pleure. Nous sommes le 29 mai 2019 et nos vies sont changées à jamais. Camille, maman de Charlie, 11 mois. 

Une rencontre par téléphone

La première fois que j’ai vu ma fille Inès, c’était sur un petit écran, dans ma voiture, garé en warning pendant que les voitures filaient sur le côté. Je n’étais pas présent au moment de l’accouchement. Je n’étais pas loin pourtant mais tout est allé très vite. Ma femme m’appelle à 13h pour me dire qu’elle perd du sang. Elle est enceinte de 7 mois. Cela fait des semaines qu’elle est alitée. Des semaines aussi que l’on s’inquiète après deux séjours aux urgence de la maternité. Une grossesse sensible. Et le besoin de rester allongée le plus possible pour « garder au chaud » notre bébé. Comme ils disent. Donc, elle m’appelle affolée. Je joins immédiatement les pompiers. Moi ? Je suis coincé sur un chantier que je gère depuis des semaines à 40km de la maison. Je rappelle ma femme : « Ils arrivent mon amour ! Respire, ne panique pas. » Elle, en pleure. J’entends les pompiers qui sonnent, ma femme est prise en charge très vite. Elle a de grosses contractions, elle saigne beaucoup et le bébé n’est pas censé arriver maintenant. Un des pompiers prend le téléphone, me dit qu’ils vont l’emmener à la maternité la plus proche. La nôtre, ouf. Je dis que je fonce, que je vais vite, que j’arrive. Il me dit que pour ma femme, ça peut aussi aller très vite. 45 minutes plus tard, Inès est là. 1kg900 d’amour. Et de frayeurs aussi. Elle respire, elle va bien, elle va être prise en charge dans une bulle conçue pour l’aider à bien grandir. Ma femme a accouché sans péridurale très vite. La tête de notre fille sortait alors qu’elle était encore dans le camion des pompiers. Tout ça, je ne le sais pas encore. Je file à toute vitesse sur l’autoroute. Je tremble et j’ai peur. Elle saigne bordel ! A 3km de l’arrivée, le téléphone vibre. C’est un appel vidéo et c’est ma femme. Ok, elle est vivante. Je me mets sur le bas côté. Je réponds…connexion …Oh ! Des petits cheveux noirs, un nez retroussé, quelques petits tuyaux. C’est ma fille, et ma femme que j’entends renifler derrière le téléphone. « Je te présente notre fille. Inès hein ? On est d’accord ? Tout va bien. Elle va bien, elle respire toute seule ! ». Je lâche, je pleure à grosses larmes. La rencontre la plus folle, l’attente la plus terrible, l’angoisse la plus vive. Mais le bonheur qui est là. » Lucas, papa d’Inès, 15 mois. 

 

« Moi, je n’ai pas vécu la rencontre. » 

J’ai eu une césarienne en urgence. La péridurale ne marchait plus, l’anesthésie locale n’a pas marché non plus. J’ai eu une anesthésie générale. Quand on me l’a annoncé, j’ai complètement paniqué. Autant je m’étais préparée à la possibilité d’une césarienne, autant l’idée de ne pas assister moi-même à la naissance de mon propre enfant est quelque chose qui ne m’avait  jamais traversé l’esprit. Alors, forcément, j’ai encore les larmes aux yeux quand je lis ces phrases : “le moment le plus incroyable de sa vie”, “la rencontre exceptionnelle”… Car pour moi, ce moment n’a pas pu exister. Ça a été très dur. Il est nécessaire de parler de ces éventualités pour que les femmes s’y préparent un minimum. On ne peut jamais être prête à 100% mais si on m’avait dit qu’une anesthésie générale était possible, je n’aurais pas paniqué comme je l’ai fait au bloc. Et la rencontre après avec mon bébé aurait peut-être été plus facile… Je ne saurais jamais. Je me suis réveillée de l’opération en pleurs. Puis, le papa est arrivé avec notre fille dans ses bras, et des larmes dans ses yeux. Je l’ai vue, avec ces immenses billes noires qui me fixaient droit dans les yeux. Je me souviendrai de ce regard toute ma vie ! Elle était affamée et l’allaitement s’est fait instantanément. Moi qui ne savais pas si je voulais allaiter ou pas, j’ai remplacé cette « non naissance » par l’allaitement. Et ça a duré 7 mois. J’ai beaucoup parlé à mon bébé dès le début car je culpabilisais énormément. Cela nous a permis de dépasser tout cela. Aujourd’hui c’est une petite fille ultra cool ! Aude, maman de Gabrielle, 20 mois.

Le souvenir des sensations, à l’identique 3 ans après.

Une onde de choc. On l’attendait cette rencontre. 6 jours après terme, 36h après la première tentative de déclenchement, 12h après le début de l’injection d’ocytocine. D’un côté, la culpabilité et la sensation de l’avoir forcé à sortir alors qu’il était si bien, au chaud, dans mon ventre, à profiter de n’être encore qu’à moi… mais d’un autre côté, quand on l’a enfin posé sur moi, en peau à peau, tout de suite, j’ai ressenti le truc le plus fort que j’aie jamais ressenti. Une vague d’amour, un raz de marée. Cela parait cliché, et quand on l’entend dire par d’autres ça peut ne pas avoir de sens, mais quand on le vit, c’est indescriptible. J’ai répété, complètement hébétée, les larmes aux yeux et tremblante “c’est mon bébé… c’est mon bébé…”. Aujourd’hui encore, 3 ans et demi après, les souvenirs de l’accouchement sont flous, seules les images fortes restent dans mon esprit. Mais, quand je me replonge dans ces souvenirs, ce qui me reste, c’est cette sensation, la première fois que je l’ai eu dans mes bras. Parfois, j’y repense avec une petite nostalgie quand je le vois grandir, jour après jour. J’ai hâte de ressentir un jour à nouveau cette sensation, de découvrir un nouvel accouchement et de vivre une toute nouvelle rencontre. Adeline, maman d’Elias, 3 ans et demi.

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Photo : @viky_chilten_photography

 

Publié le Ecrit par Amandine