On imagine cette rencontre pendant des mois. Ou pas. On l’appréhende, on s’impatiente, on la redoute, on l’attend…Et comme chaque naissance est différente, chaque rencontre l’est tout autant. C’est pour cela que l’on adore vous donner la parole. Pour raconter les premières minutes de ce temps qui s’arrête, de la magie mais aussi de ces émotions multiples et paradoxales qui font de nous des femmes et des hommes uniques et profondément aimants.
J’ai douté.
« J’avais passé ma grossesse à me dire que ce rôle de mère était fait pour moi. Je ne me mettais aucune pression. Je trouvais cela tellement naturel. J’avais lu quelques pages d’un livre sur la maternité. Un truc assez drôle et décalé, ça m’allait très bien. Je ne voulais pas polluer mon esprit avec des règles à suivre et des méthodes à apprendre par coeur. Et puis le Jour J : les contractions de plus en plus fortes, de plus en plus rapprochées, le taxi vite vite, le seul et unique cours de préparation à l’accouchement dont je tentais de me souvenir, une super sage-femme qui m’a épaulée comme une soeur, la dernière poussée…et mon amour de Paulin. Il était là, beau, tout petit, un peu rouge mais « c’est normal madame ». Je crois que de battre mon coeur s’est arrêté. Mais vraiment. Je n’avais jamais vécu autant dans le moment présent. Il y a ensuite eu les appels express aux parents. La larme à l’oeil, les pleurs au bout du fil. Et nous sommes remontés tous les trois dans la chambre. Le calme après la tempête émotionnelle. Et comme toute vague qui retombe, le sentiment d’être lessivée, physiquement et moralement. Chez moi, ce moment a laissé place à un certain vide qui laissait lui-même place à un océan de questions : « Serais-je une bonne mère pour cet enfant ? Est-ce que tout cela n’était pas trop grand pour moi ? Est-ce qu’il était normal de me sentir un peu perplexe face à l’immensité de la tâche ? Et mon bébé, était-il content de m’avoir pour maman ? Et si j’étais trop fatiguée ? Trop nerveuse ? Trop gauche ? Pas assez débrouillarde ? Non parce-ce que je ne suis pas super super maligne parfois… » Je me suis sentie super conne d’un coup. Je pensais être envahie par cette confiance absolue que semble avoir les mamans et voilà que je me posais 10 questions à la seconde sans avoir concrètement les réponses. Alors, j’en ai parlé autour de moi, à ma copine Laura qui était maman depuis 15 mois. Et à ma pote Loulou qui ne l’était pas encore. Ca m’a fait du bien. Et j’ai compris une chose : devenir maman ne vaccine pas contre les interrogations. Au contraire, c’est même l’inverse. Et ce n’est pas plus mal.
Sarah, maman de Paulin, 10 mois.
J’étais en retard de 24h
Je suis caméraman. Je bouge un peu partout et capte les images de documentaires. Ma femme était enceinte de 7 mois et demi quand je suis partie pour 3 semaines de tournage en Italie. On savait qu’on jouait un peu avec le feu mais je ne pouvais pas décliner cette mission. Et comme disait la sage-femme « Oh ! ne vous inquiétez pas, je n’ai pas l’impression que cette petite princesse souhaite sortir tout de suite. » Tout de suite non mais deux semaines après, oui ! Je dinais avec l’équipe de tournage en pleine Toscane quand ma femme m’a appelé. J’ai compris à la seconde : elle allait accoucher. Je l’ai rassurée comme j’ai pu, j’ai appelé ma mère pour qu’elle gère à ma place et j’ai raccroché un peu en panique. Et surtout dérouté. « Bon, je fais quoi moi hein ? ». Mon preneur de son était papa depuis 6 mois. Il m’a tout de suite dit : « ok, on te réserve un vol tout de suite et je te dépose à l’aéroport. Le taf on s’en fout mais faut pas que tu loupes le premier jour de la vie de ton bébé mec. » Il a géré comme un pro. J’avais un vol pour Paris le lendemain matin à 9h30. Entre-temps, j’ai suivi l’accouchement de ma femme via ma mère qui restait en contact avec moi le plus possible. Ma femme avait du mal à rester au téléphone en Face Time avec moi, elle souffrait pas mal et ne gérait pas la distance. Ca me faisait un mal de chien de ne pas pouvoir être à ses côtés à cet instant précis. Je me sentais impuissant. Dans ma chambre d’hôtel, j’ai passé la nuit à attendre les update de ma mère. Et à 3h10 du matin …ma femme, en pleurs : « Chéri, tout va bien ! On l’appelle comment notre princesse ? ». J’ai pleuré évidemment et j’ai prononcé le plus beau des prénoms : Suzanne mon amour, Suzanne évidemment. On a passé une bonne partie de la nuit en Face Time. J’ai évidemment trouvé que l’avion était beaucoup trop lent. Idem pour le taxi. La rencontre avec Suzanne fut certes décalée mais elle aura eu le mérite de me donner des ailes… » Mathieu, papa de Suzanne, 18 mois.
La libération après le stress.
« Ma césarienne était programmée dans 3 jours. Mais il fallait que je me rende à la maternité pour régler un détail. Arrivée sur place, j’ai croisé mon gynécologue : « Alors tout va bien ? ». Ce à quoi j’ai répondu assez spontanément : « Oui super ! J’ai l’impression qu’elle se repose avant le jour J, je ne la sens plus autant bouger. » J’ai vu son visage se durcir légèrement avant qu’il dise « On peut faire une petite écho rapide pour vous rassurer. » Je n’ai même pas eu le temps de répondre qu’il demandait à une sage-femme d’allumer la machine en salle 2. Je l’ai suivi, un peu penaude. Assez rassurée malgré tout – ce gynéco était très prévoyant. La petite écho s’est transformée en examen un peu plus poussé, avec silence et bouche pincée. Et le verdict est tombé : « Madame, on n’ est pas très inquiets mais il semblerait que votre bébé ne soit pas très à l’aise dans votre ventre. Je vais voir si le bloc à des dispos et je vous propose que l’on avance de 3 jours votre césarienne pour la faire aujourd’hui. » Aujourd’hui ? Mais aujourd’hui ce n’est pas dans 3 jours…C’est maintenant quoi. Puis il a ajouté : « Le papa peut être là rapidement ? » Donc on était passé de aujourd’hui à …tout de suite ! C’est à ce moment là que j’ai commencé à paniquer. Le bloc était libre dans moins d’1h et je voyais le personnel médical se presser sur mon sujet…jusqu’à ce que j’entende une sage-femme dire : « On a une césarienne qui tombe au bloc 3. Faudrait aller assez vite merci. » J’étais seule dans ma chambre à prendre une douche à la bétadine, un peu tremblante, pas super à l’aise. Il me manquait une explication. Cela avait l’air d’être urgent sans l’être. Puis l’infirmière m’a amenée au bloc. « Et mon mari ? », « Il est en train d’être préparé madame, il va vous rejoindre dès qu’on pourra le faire entrer ». Je ne l’ai même pas vu avant. J’étais terrorisée. Il s’était finalement passé 45 minutes depuis la fin de l’écho. Mon mari avait tout lâché pour traverser la moitié de Paris. Le silence était pesant. Je sentais que tout le monde était très concentré et que la détresse de mon bébé était réelle. Puis le soulagement…On a entendu son premier cri. Elle allait bien. Et moi, beaucoup beaucoup mieux. Line, maman de Victoire, 2 ans.
Photo : @vanessa.gori