L’édito du Mag : « J’arrête l’héroïne »


Adèle porte le t-shirt Mother of 2.

Je suis tombée dedans toute petite. Quand j’ai eu 15 mois, une petite sœur et l’amour de mes parents à partager. Avec elle, et les 4 autres qui ont suivi, j’ai découvert le compromis. La boîte de 6 à partager. Avec le sourire. 

Grâce à elle, j’ai survécu à l’adolescence, au sourcil trop épilé, à l’école de commerce, aux notes des uns et des autres, aux grands trips et petites agressions qui piquent. J’ai traversé les 1ers trimestres*. L’avortement thérapeutique terrifiant, qu’on attend dans une salle pleine, de vraies futures mamans. La fausse-couche dans la file d’attente de la voiture bar. Un café avec serviette hygiénique s’il-vous-plaît ! Oui, ce sera tout. Les accouchements. Les post-partum. Avec le sourire.

35 années de sourires pulvérisées par un cri de 57 minutes. Pour mon deuxième accouchement, j’avais pourtant prévu la dose de stupéfiant (de l’héroïne coupée au 1er confinement, ne manquait que la péridurale). Bonjour mon amour. Des mois pour me remettre de ce trauma cacophonique mal dosé. Mais deux découvertes fondamentales : 1. je peux crier 2. j’arrête l’héroïne. 

L’héroïne. Le je vais gérer je suis une ouf je peux tout faire elle fait ses dents j’ai pas dormi mais c’est pas grave ce soir c’est ottolenghi j’assure et hop un petit PCR dans le nez même pas mal après avoir couru 6km vers mon nouveau corps yesss et enchaîné 5 réunions c’était passionnant et fait les valises de 3 personnes c’est le plus beau rôle de ma vie et écrit le discours du mariage de mon frère chéri je suis une super grande soeur et géré ma boîte sous la tempête parce que c’est mon job et que je l’ai voulu hein comme étendre ces machines de linge avec le sourire bravo ma biche entre deux orgasmes bah quoi il restait un peu de place. Overdose.

Parlons sevrage.

Paraît qu’il faut commencer doucement, sans pression. Réduire à un petit shoot par jour et par vie de femme, amie, amoureuse, entrepreneuse, maman… (j’en oublie ?).   

Apprendre à dire (écouter ?) “j’y arrive pas”. “Je galère”. “J’ai besoin de toi”.  

Accepter de se montrer telle que l’on est. Forte et vulnérable. 

Parce que “la maternité est un chemin entre cieux et limbes”, “sublime et aliénation. Pas l’un ou l’autre. Pas l’un après l’autre. Les deux superposés.” Comme Illana Weizman, je veux me souvenir de toutes les étapes. Prendre le meilleur sans invisibiliser le pire. Parce que c’est notre histoire. 

J’arrête l’héroïne.

Dimanche, je me shooterai à l’ocytocine en pensant à nous. A toutes celles que nous sommes et qui se superposent. A ces chemins qui nous attendent. A l’avventura, Mamma mia. 

 

Adèle

 

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